“Science et éthique dans les méthodes de sélection”

C’était le titre de la conférence organisée le Jeudi 6 décembre 2007 à l’ENITA de Clermont-Ferrand. Les trois conférenciers présentaient trois approches diverses de la question :

  • Pierre-Henri Gouyon (Muséum National d’Histoire Naturelle) nous a retracé l’histoire de la génétique en apportant une lumière sur l’évolution de l’eugénisme au XXème siècle.
  • Nicolas Supiot (Réseau Semences Paysannes) nous a présenté son parcours d’étude sur les variétés de blé pour faire du pain, et les difficultés et aberrations rencontrées.
  • Jacques Testart (Fondation Sciences Citoyennes) a élargi le spectre de l’eugénisme et nous a mis en garde sur les risques éthiques des recherches en cours sur les diagnostics préimplantatoire.

Je vous propose de vous faire partager mes notes. Attention, ceci reste mes notes, et ont une fiabilité toute relative ! C’est notament du au fait que je n’ai pas pu m’empêcher de me réapproprier leurs discours ;-)

Pierre-Henri Gouyon

La biologie est une science empirique, on n’est jamais sûr de rien avant de l’avoir expérimenté un grand nombre de fois. Ainsi, il apparaît erroné d’affirmer des choses sans avoir suffisamment de recul.

Exemple du croisement génétique : on ne sait pas prévoir si le croisement de deux espèces produira un embryon viable. On a souvent affirmé que s’il était viable, le nouvel être était stérile. On s’est rendu compte que tous les mulets n’était pas stériles, et on ne sait pas encore pourquoi.

Au début du XXème siècle, les théories de sélection à partir d’arbre généalogique commence à être à la mode. Se construit alors l’idée qu’on va pouvoir améliorer l’espèce humaine en pratiquant une sélection pour donner droit à la procréation. Dans plusieurs pays, des programmes de stérilisation sont lancés pour empêcher les personnes ne remplissant pas les bons critères de se reproduire.

Finalement, le traité de Nuremberg vient calmer cette frénésie d’eugénisme et replacer la dignité humaine comme principe supérieur à d’autres objectifs.

Par le passé, les découvertes des scientifiques étaient bien plus critiquées qu’aujourd’hui. On pense bien sûr à la censure de Galilée lorsqu’il tentait de démontrer que c’est la Terre qui tourne autour du Soleil, qui lui a valu un procès qu’il a perdu. De nos jours, la tendance s’inverse : José Bové qui tente d’alerter l’opinion publique sur des décisions politiques prises sur des résultats scientifiques jugés insuffisants n’est pas entendu, et condamné pour ses actes de manifestation. Même si effectivement il y a eu vandalisme, c’est cette fois-ci l’industrie scientifique qui prend le pouvoir sur la morale citoyenne.

Je passe sur certains passages, mais sa présentation étant vraiment excellente et attractive, car très romancée et illustrée.

Nicolas Supiot

Nicolas Supiot est président du réseau de semences paysannes. L’idée de ce réseau était de rassembler les personnes qui pratiquent des sélections de semences de manière plus ou moins artisanales, tout du moins en utilisant les critères et méthodes ancestrales, sans faire appel aux technologies modernes. La motivation n’est pas de refuser la modernité, mais vient plutôt de la conviction qu’elles ne peuvent pas être jugées fiables et ne répondent pas à de bons critères. Toujours est-il que bien que n’utilisant pas ces technologies, les paysans qui pratiquent ces sélections font de la science !

Nicolas a commencé en faisant des expérimentations sur les farines pour faire du pain, du bon pain. Au fil du temps et des farines, après s’être rendu compte qu’on ne fait de la bonne farine qu’avec une meule en pierre, il a conclu que ses meilleures farines étaient obtenues à partir de semences rustiques. Le problème est que ces semences ne sont pas inscrites dans le catalogue des semences autorisées. Il ne peut donc pas les commercialiser, ni même les donner pour partager ses découvertes.

L’agriculture actuelle est basée sur la productivité, et prend donc en compte en premier le critère économique. On en connaît aujourd’hui les conséquences (écologique pour résumer en un mot) … pour certains, car visiblement, les pouvoirs publics s’en fichent !

Seulement, ce critère économique est mal évalué pour plusieurs raisons. Tout d’abord, on ne considère la productivité qu’en mesurant le quintal de céréales produit pour un hectare de terre. Seulement quel est le coût réel de cette production ? Car si on prend en compte le coût d’exploitation complet comprenant tous les pesticides et intrants (ou produits phytosanitaires, pour faire plus joli) nécessaire pour pallier aux faiblesses des semences utilisées, ce n’est pas si rentable. Nicolas a parlé de 10 calories dépensées pour en produire une, pour l’agriculture conventionnelle, ce n’est pas si économique que cela (J’ai retrouvé ce chiffre dans ce document). Et j’ajouterais qu’on ne prend pas non plus en compte le coût de l’impact sur l’environnement de cette agriculture, comme le traitement de l’eau qui devient de plus en plus compliqué en raison de la présence d’une grande quantité de polluants différents.

Il faut réévaluer la qualité des semences anciennes, qui peuvent être plus rentables que les semences modernes. Pour cela, il faudrait aussi réévaluer complètement les méthodes de production. Un autre exemple est le cycle de culture des céréales qui a été contraint (raccourci et décalé). Nicolas s’est rendu compte qu’en optimisant mieux ce cycle, il pouvait obtenir des grains trois fois plus gros. Il est en train d’étudier le comportement de ses blés en fonction de la période de germination.

Jacques Testart

Revenons sur l’eugénisme.

Donc, dans les années 30, plusieurs dizaines de milliers de castrations aux U.S.A.. Mais ça ne s’est pas complètement arrêté au traité de Nuremberg. Les diagnostics préimplantatoires (DPI) sont une nouvelle forme d’eugénisme. Il s’agit d’inséminer artificiellement plusieurs ovules, et de faire ensuite son marché. Bien sûr, c’est une technologie formidable pour permettre à des couples présentant des risques de maladie certains de mettre au monde un enfant sain. Mais l’éventail des possibilités est très dangeureux, et dénoncé par Jacques Testart depuis les premiers DPI.

L’eugénisme est insidieux, et peut être enrobé pour ne pas choquer. Quand on ne parle pas de génocide ou même d’un simple caractère raciale, l’eugénisme s’en trouve atténué. Ainsi les tests génétiques de N. Sarkozy ont déclenché de vives polémiques sur le contrôle de l’immigration des pays du Sud. Après modification, le texte reste très neutre sur l’origine des étrangers concernés, et est beaucoup plus politiquement correct.

Pourtant l’eugénisme est une forme de racisme, c’est du racisme des gènes.

Dans le cas des semences, la sélection traditionnelle a pour objectif d’augmenter la diversité pour spécialiser les espèces en fonction des terroirs. Tandis que la sélection industrielle a pour but de réduire la diversité, pour mieux maîtriser la production sur un plus vaste territoire, avec pour inconvénient de compenser les faiblesses de ces semences avec des intrants.

Des recherches en cours visent à réussir à produire plusieurs milliers ovules à partir d’un prélèvement d’ovaire congelé. Le but est de simplifier les DPI, car la femme n’aura plus qu’à se faire prélever une fois et pourra réaliser plusieurs DPI par la suite. Le risque est que cela rendra la sélection génétique confortable et très accessible.

Pour conclure, si on arrive à sélectionner pour obtenir un être idéal (selon quel critère ?), il s’agirait de ne pas gâcher ce patrimoine génétique élaboré avec tant de soin en le faisant se reproduire avec des gamètes. La solution restera donc de le cloner, et c’est exactement à cette solution que l’on en est arrivé avec les semences.

Jacques Testart nous met donc en garde contre les dérives possibles de l’eugénisme et tous les problèmes éthiques que pose la sélection génétique.

Discussions

La sélection, pour quel idéal ?

NS : Nous co-évoluons avec les semences. Prétendons-nous être élevés à si un haut niveau de la connaissance de la nature, pour savoir comment obtenir le meilleur des semences. « C’est le blé qui m’a appris à faire mon pain ».

PHG : L’être humain est lui-même un être « dégénéré » par rapport à l’évolution des mammifères : nous sommes sans poil !

Les comités d’éthique dans la recherche

JT : Les comités d’éthique ne font que temporiser l’adoption d’une nouvelle technologie. Au moment de la découverte d’une nouvelle possibilité qui choque, le comité d’éthique peut poser un moratoire, mais au final la raison s’essouffle et la nouveauté rentre dans les mÅ“urs. Nous avons donc besoin d’une autre structuration pour débattre des découverte scientifique, et c’est l’objet de l’association Sciences Citoyennes. L’expérience a montré que les conférences citoyennes étaient plus efficaces que les référendums.

On parle de « sciences », mais la recherche produit surtout de la « technique ».

PHG : On a besoin des citoyens pour réfléchir à l’éthique de la recherche. Mais la recherche est trop cloisonnée et trop loin des citoyens.

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